Mes correspondances avec le Dr Serge Gracovetsky m'ont donné l'opportunité de mieux comprendre le concept de moteur spinal et comment il fonctionne dans un swing de golf. J'ai déjà écrit un papier très détaillé sur ce concept, mais je préfère vous expliquer en termes golfiques plus simples comment ces mouvements se mettent en place (si vous désirez lire la version détaillée, vous pouvez me contacter directement : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) .
Plutôt que d'argumenter sur l'existence de ce moteur spinal, je préfere considérer qu'il existe (peut-être uniquement dans les meilleurs swings d'ailleurs) et vous montrer comment il s'applique dans un swing de golf. Je couvrirai ce mois-ci la courbure latérale de la colonne vertébrale et le mois prochain nous aborderons l'autre mouvement majeur du moteur spinal qui est la lordose lombaire.

D'après les travaux du Dr Gracovetsky et la recherche sur les mouvements spinaux, une courbure latérale de la colonne vertébrale associée à de la lordose lombaire produira de la rotation axiale. Ceci est provoqué par la connection entre les facettes latérales des vertèbres qui agissent un peu comme des engrenages. Regardez cette illustration issue du livre de Gracovetsky.

Et quand ces facettes se connectent entre elles, tous ces petits engrenages produisent de la rotation.

Mais cette connection n'est possible qu'en présence de lordose et de courbure latérale.
Ces deux mouvements sont primordiaux pour mettre en fonction le moteur spinal.
Sinon ce qu'il vous reste, ce sont des efforts musculaires isolés, qui sans l'assistance d'un puissant moteur spinal, s'avèrent insuffisants.

En définitive, le but ultime pour produire un swing à la fois puissant et régulier est d'utiliser à la fois le moteur spinal et de l'assister par d'autres actions musculaires.
Lorsque le moteur spinal ne fonctionne pas, des dysfonctions apparaissent, avec de grandes chances de blessures au niveau du dos.

Courbure latérale de la colonne vertébrale

Cette courbure, qui paraît être un événement très simple, et en réalité assez complexe.
Ce n'est après tout qu'une courbure latérale à l'opposé de la cible, comme le montre l'image ci-dessus.
Mais réalisez qu'elle doit se produire lorsque vous êtes en haut du backswing, avec les épaules tournées, en l'absence de déroulement des épaules (pendant un bref instant en tout cas), alors que pendant le même temps votre épaule droite doit être tirée vers le bas et derrière vous, tout en augmentant votre lordose lombaire et en s'assurant que votre coiffe des rotateurs effectue de la rotation externe d'épaule droite.
Là ça paraît tout de suite plus compliqué.

Alors quand mettre en place cette courbure ?
Pendant la transition. Si vous le faites plus tard, la colonne n'aura pas le temps de se courber suffisamment et vous obtiendrez une descente par-dessus.
La courbure sera augmentée tout au long de la descente et ne sera relâchée que bien après l'impact.

Vue d'ensemble

Voici le jeune phénomène Ryo Ishikawa qui nous montre comment faire. J'ai tracé une ligne rouge qui matérialise la hauteur de son épaule droite en fin de montée. Voyez comment cette épaule s'abaisse pendant la transition sur l'image suivante.

On se rend bien compte sur cette vue comment son côté droit est arqué à l'opposé de la balle. L'épaule droite a chuté et si vous faites attention à son gauche dans l'image suivant, vous verrez que sa cage thoracique est un peu bombée vers la balle.

On retrouve maintenant Jamie Sadlowski un peu plus tard dans la descente avec une courbure latérale très marquée. Ca ressemble un peu à un point d'interrogation à l'envers.

Et voici Hunter Mahan dans une position similaire.

A l'inverse, si la colonne du joueur ressemble plutôt à une ligne droite inclinée vers la droite, c'est plutôt un mouvement de hanche. Pas de courbure dans ce cas, et pas de mise en place du moteur spinal comme l'entend Gracovetsky.

Dans le swing de Tiger on remarque bien à quel point l'épaule droite est plus basse que la gauche à l'impact par rapport à la position en haut du backswing. La distance entre sa hanche et son épaule droite a été au moins divisée par 2.

En vue de face, on aperçoit l'épaule droite de Tiger se baisser à partir du haut du backswing jusqu'à être visible sur la partie droite de sa tête. Il est manifeste que l'ensemble du corps s'abaisse, mais l'épaule droite encore plus, témoignant d'une courbure de la colonne vertébrale.

Les golfeurs sans ce mouvement d'épaule droite obtiendront un retour ''par-dessus''.
Dans cette éventualité, un professeur passioné par le plan de swing trouvera ce mouvement inadéquat et à juste titre ''par-dessus'', et demandera à son élève de replacer les bras et le club dans le plan à la descente.
Mais il ne va pas faire le lien entre les mouvements du corps qui entraine cette erreur de plan. Il suffit de corriger le plan, de toute façon, non ?
En descendant les bras sans réaliser les mouvements du corps adaptés, le joueur se retrouve dans une position ''coincée''.
Nous traiterons certainement de ce sujet dans un autre article.

Un point important à préciser : si la colonne s'affaisse grâce aux hanches l'épaule droite s'abaissera mais c'est une manière incorrecte de le faire. Les hanches vont bouger vers la balle et la colonne va s'incliner vers l'arrière.
Au lieu de celà, la colonne doit se courber sur toute sa hauteur. En vous concentrant sur le milieu de la colonne comme le montre Mark, vous devriez vous en sortir.

Voyons maintenant quels micromouvements et quels groupes musculaires sont impliqués de près ou de loin dans cette courbure de colonne.

Chute de l'épaule droite en l'absence de rotation des épaules

Ceci est une animation de l'épaule droite de Rory McIlroy lors de la transition. Je présente cette séquence enregistrée à 300fps pour diminuer le nombres d'images nécessaires.
Pendant environ 24 images soit 0.08secondes la courbure de colonne s'effectue sans rotation des épaules.
Celà donne du temps aux facettes vertébrales de se connecter avant que la rotation ne commence. Si vous démarrez cette rotation trop tôt, il est difficile de mettre en place une courbure correcte. Avec la moitié de l'équation du moteur spinal, vous n'aurez plus que de la force musculaire pour alimenter votre descente..

Rétraction et dépression de la scapula droite

Quelque chose d'autre est nécessaire pendant cette chute de l'épaule. La scapula doit être maintenue rétractée, proche de la colonne, tirée par les muscles rhomboides et le trapèze.
Cette action est critique pour bien étirer le grand pectoral, le grand dentelé pour les préparer à l'action plus tard dans la descente.

Après la rétraction arrive la dépression de la scapula et c'est probablement ceci qui maintient l'ensemble bien connecté. La scapula se retrouve attirée profondément vers la cage thoracique. La courbure de colonne s'en trouve favorisée, les dorsaux et les muscles de la coiffe des rotateurs sont parfaitement utilisés pour ramener le coude droit vers le bas et vers l'avant, empêchant au club d'être ''coincé''.

Parfois, plusieurs évènements sont nécessaires et doivent être simultanés pour bien étirer certains groupes musculaires pour les préparer aux actions futures.
Pour que les actions décrites précédemment puissent se produire de la manière la plus efficace possible, ils doivent être activés par les mouvements du backswing et sont typiquement favorisés par l'élévation des bras à la manière de Quiros ou de Tiger, ou en maintenant une bonne largeur de backswing comme Rickie Fowler.
J'y reviendrai plus tard, mais si l'épaule droite et en rotation interne, légère abduction et que la scapula est en protration et la colonne en courbure vers la gauche lors de la montée, tout celà devient bien plus facile.

 

Analysons un peu le lancer du grand Tim Lincecum. Lorsqu'il s'enroule, son bras droit est assez bas avec le coude proche du corps et la main vers le bas. Celà témoigne d'une grande rotation interne de l'épaule droite (notez qu'en golf, nos deux mains doivent tenir le club, et nous ne pouvons pas utiliser autant de rotation interne), mais la scapula commence aussi à se rétracter. On peut voir clairement un pli se former sur son maillot à l'endroite du ''U''.

Sur cette image on le voit élever un peu le bras droit pour se placer en bonne position, la rétraction de la scapula continue.

Dans celle-ci, la scapula est en dépression vers la cage thoracique et le grand dentelé droit se retrouve pleinement étiré juste avant d'entrer dans la phase d'accélération. Le ''E'' de son maillot a disparu.

Beaucoup de professeurs aiment l'analogie d'un lancer de balle vers le sol. Le problème est que la plupart des gens lancent avec le bras, sans utiliser pleinement le corps comme Lincecum. Dans ce cas, est-ce que l'analogie du lancer est vraiment utile ?

Quels muscles sont impliqués dans la courbure latérale de la colonne ?

Le Grand Dorsal du côté Droit

Le Grand Dorsal est l'un des muscles clé pour effectuer la courbure latérale à l'opposé de la cible. C'est le plus grand muscle et le plus puissant du dos. Connectant l'humerus (l'os du bras), les vertèbres, la crête iliaque et (si vous vous souvenez) le grand fessier du côté gauche, le Grand Dorsal est certainement le plus important pour la courbure.

La contraction du Grand Dorsal amène aussi le bras vers le bas et l'avant et aide à abaisser l'épaule droite. Il sera aussi impliqué un peu plus tard dans la rotation interne de l'épaule droite, un autre mouvement très puissant (qui doit arriver dans les dernières millisecondes avant l'impact).

Par ses insertions sur les vertèbres, le grand dorsal est absolument critique pour connecter les facettes latérales des vertèbres afin de permettre au moteur spinal de fonctionner.

Carré des Lombes du côté Droit

Le carré des lombes est un muscles plus profond capable de tirer les côtes vers le bas, vers le bassin, puisqu'il s'insère à la fois sur la 12eme côté et la crête iliaque. Il assure aussi un peu de courbure en s'insérant sur les dernières vertèbres lombaires.

Les Muscles de la Coiffe des Rotateurs

Tout comme pour le mouvement de lancer, les muscles de la coiffe des rotateurs (l'infraépineux, le grand rond et le deltoïde postérieur permettent de maintenir l'épaule en rotation externe. Ils participent bien sûr aux bons mouvements du coude, mais stabilisent aussi l'épaule en position rétractée.

On voit bien les plis à l'arrière de l'épaule de Tiger. Les muscles de cette zone sont donc bien engagés.

Vous pouvez maintenant vous rendre compte que de nombreux muscles sont nécessaires pour mettre en place cette courbure de colonne et les mouvements de scapula qui lui sont associés.
Je vous ai décrit les principaux. Si vous laissez de côté ces mouvements dans votre swing, vous risquez pas mal d'erreurs et de compensation, parce d'autres muscles se trouveront surchargés.

Les Dysfonctions

Dans mon article de mars 2010, j'ai parlé de la différence entre un swing soutenu par les jambes par rapport à un swing soutenu par les mouvements de la colonne et du bassin. Je vais évoquer de nouveau cette opposition. En fait, si un swing est alimenté par les jambes, le corps ne peut pas créer une bonne courbure de colonne et cela créera de nombreux problèmes : un relachement du lag, un retour ''par-dessus'', un élancement des hanches vers l'avant avec perte des angles, un manque de rotation et je ne fais qu'effleurer la surface des problèmes possibles.

Jetons un coup d'oeil au swing pas si parfait d'un joueur inconnu du PGA Tour qui a participé au ProAm su tournoi Satellite du Sony Open (organisé dans un autre club, et typiquement réservé aux moins bons pros). Voici un example de swing alimenté par les jambes. Ce n'est pas le bassin, le sacrum ou la colonne qui démarre la descente chez ce joueur mais une poussée sur les jambes. On n'observe pas vraiment de transition.

 

Avec cette poussée des jambes vers le haut et l'avant, aucune chance de voir apparaître de la courbure de la colonne. Il n'y a pas non plus d'opportunité pour l'épaule droite de s'abaisser.
L'absence de chute de l'épaule (pensez à l'animation de Rory de tout à l'heure) amène une rotation prématurée des épaules, et les bras et le club se trouve entrainés ''par-dessus''. Ce type de descente rendd impossible la rétention du lag et même si ce joueur désire retenir cet angle ça lui sera impossible, il est obligé de relacher les poignets. Trop de mouvements vont à l'encontre du lag dans cette séquence.

A l'inverse chez Anthony Kim...

On se rend compte qu'un swing alimenté par le moteur spinal est complètement différent. Le sacrum se déplace légèrement vers la cible et vers l'arrière, et Anthony Kim arrive sans difficulté à courber sa colonne, créant les mouvements que l'on observe chez tous les grands.

 

La traversée est un bon indicateur de ce qui vient de se passer. Avec les facettes vertébrales déconnectées, il ne peut pas effacer les hanches et continuer à tourner comme Anthony Kim.

Conclusion

Comme vous avez pu le constater, la compréhension du corps et des mouvements de la colonne vertébrale sont de la plus grande importance si vous voulez mieux swinguer.
En introduisant de la courbure latérale de la colonne vertébrale à l'opposé de la cible en transition, et en la maintenant tout au long du downswing vous aurez plus de chance de garder votre lag, corrigerez certainement votre tendance à revenir ''par-dessus'', sans risquer d'être ''coincé''.

Si ces problèmes vous hantent, il est peut-être temps de laisser le plan de swing de côté et de vous concentrer sur les mouvements de votre corps.
Le mois prochain, je m'attaquerai au second mouvement indispensable pour le bon fonctionnement du moteur spinal : la lordose lombaire.